L’odorat des chiens
L’acuité olfactive du chien est remarquable. Sa muqueuse nasale est recouverte de nombreux récepteurs aux odeurs, mille fois plus que celle de l’homme. Les plissures de cette muqueuse entraînent un accroissement de la surface d’échanges jusque 160 cm 2 , alors que l’homme n’en possède que 5 cm 2 . Les récepteurs eux-mêmes sont plus sensibles. Dès lors le chien sent un million à cent millions de fois mieux que nous.
Le chien reconnaît l’odeur d’une goutte de vinaigre diluée dans 50 litres d’eau, et celle d’une goutte d’acide sulfurique diluée dans 500 litres d’eau! Par temps sec et sans vent, le chien pourrait sentir l’odeur d’une cigarette à un kilomètre de distance. A l’odeur de l’ozone et de l’ionisation positive de l’air, il peut aussi prédire l’orage avant de voir la présence du moindre nuage.
Cette énorme capacité de reconnaissance des odeurs a bien sûr été mise à profit par les chasseurs depuis le début de notre vie commune avec le chien, il y a quinze mille ans. Au cours de ce siècle, le chien a remplacé le cochon dans la recherche des truffes. Et tout le monde connaît l’utilité du chien pour la recherche des disparus, ainsi que comme chien douanier, dépisteur de drogue ou d’armes de contrebande.
Le chat a un odorat presque aussi efficace. Mais étant moins domesticable, moins obéissant, on ne s’est jamais préoccupé de l’utiliser comme auxiliaire douanier.
La communication chimique.
Le reniflement de l’arrière-train et le marquage urinaire sont deux exemples quotidiens d’échange d’informations sociales chez le chien et le chat.
Le pouvoir de la communication par l’odeur est proportionnel aux capacités olfactives. Nous autre humains sommes des handicapés de l’odorat. Le chien et le chat se font des images d’odeur en trois dimensions et cela réveille directement des mémoires d’émotion.
Ces messages chimiques sont appelés phéromones. Ce sont des molécules chimiques volatiles fixées sur une protéine en forme de cupule. Cette protéine est par ailleurs la source majeure des allergies aux chats.
Chiens et chats produisent des phéromones dans toutes leurs sécrétions et excrétions: la salive, les urines, les sacs anaux, les glandes situées entre les coussinets plantaires, les glandes faciales de la commissure des lèvres et de l’entrée du conduit auditif.
Un bon observateur remarquera qu’un chien dominé prendra une attitude basse en présence de la marque urinaire ou lors de reniflement des oreilles d’un chien dominant. De même, un chien dominant tentera de mettre une marque urinaire plus haut qu’un chien dominé, pour autant que sa taille le lui permette.
La phase d’intimidation dans la défense du territoire s’accompagne chez le chien de grattage du sol avec les membres antérieurs et de dépôt d’urine sur cette zone. L’intrus fait souvent de même, dans un processus d’échange d’informations. Cela permet à chacun de se situer par rapport à l’autre et de signaler son groupe d’appartenance.
Dans les coussinets plantaires et les sacs anaux du chat se trouvent des phéromones d’alarme. Elles sont exprimées en cas de peur. Les vétérinaires connaissent bien leur odeur et surtout les effets de contagion des états de panique que cela induit à tous les chats qui suivent dans les mêmes locaux.
Il y a deux types de phéromones. Les premières ont une valeur de communication d’identité, de statut, d’alarme…, d’autres ont un effet d’amorçage hormonal chez le récepteur. Elles sont responsables de la synchronisation des chaleurs chez les chiennes ou les chattes d’élevage. Ces phéromones sont aussi responsables du retard de la puberté chez les adolescents mâles ou d’une diminution de fertilité chez les chiennes dominées vivant en meute.
La communication olfactive avec l’homme.
Les humains produisent eux aussi des phéromones. Elles ont globalement les mêmes fonctions que chez nos compagnons. Chiens et chat sont sensibles à ces phéromones et aux informations qu’elles transmettent.
A habillement égal et comportement équivalent, le chien reconnaît aisément à l’odeur un homme d’une femme, un enfant d’un adulte, une femme enceinte ou ménopausée. Le chien est le premier informé de l’adolescence de nos enfants. Certains chiens ont des variations d’humeur en relation avec le cycle de la femme.
Le chien sait où nous nous sommes assis ou couchés. Ces lieux sont imprégnés de nos phéromones. Le chien à tendance dominante risque d’entrer en compétition avec ses maîtres pour ces zones signifiantes.
Les comportements liés à la communication olfactive (marquage urinaire, reniflement de l’entrejambe, compétition pour des lieux de couchage…) peuvent devenir intolérables, voire pathologiques. Certains vétérinaires, instruits en comportement animal, les traitent aisément aujourd’hui.
Dr Joël Dehasse
Médecin vétérinaire comportementaliste