Si vous êtes propriétaire de chien(s) ou que vous vous intéressez un minimum à eux, j’ai de fortes raisons de penser que vous avez , au moins déjà une fois dans votre vie, entendu parler de la dominance et de la théorie de la hiérarchie. Mieux encore, quelqu’un de votre entourage vous aura conseillé de mettre certaines règles en place pour ne pas que votre chien « prenne le dessus » sur vous ou vous aura renseigné un « chouette » club de dressage dans lequel vous devez donner un « petit » coup de collier à chaque fois que votre chien ne marche pas correctement au pas.
Pour ceux qui débarquent et qui n’ont aucune idée de quoi il en retourne voici un petit résumé à propos de la théorie de la hiérarchie.
La théorie de la hiérarchie provient d’ une étude réalisée il y a bien longtemps par le zoologiste Rudolph Shenkel sur des loups en captivité et dont le groupe avait été créé artificiellement. (Rudolf Schenkel – « Ausdrucks-Studien an Wölfen : Gefangenschafts-Beobachtungen » 1947). Il analyse le comportement des loups et en déduit que la structure du groupe est régie par un mâle dominant appelé « l’alpha ». Ce dernier serait reconnu aux yeux de tous comme le grand chef du groupe, qui organise la chasse, contribue à sa survie, mange et se reproduit en premier. De l’autre coté, il y aurait « l’Omega », le loup dominé qui n’a aucun privilège et passe toujours derrière les autres.
C’est bien plus tard dans les année 1999, qu’un autre zoologiste américain du nom de L. David Mench qui avait lui aussi prit parti pour la théorie de la hiérarchie, revient sur ses affirmations et corrige ses dires après avoir observé des loups dans leur milieu naturel. ( article publié dans le Canadian journal of zoologie, « alpha Status, dominance, and division of Labor in Wolf packs »).
Il se rend compte qu’ il n’y a pas de « mâle alpha » mais plutôt un couple alpha dont les protagonistes ne sont autres que les parents des autres membres de la meute. Une organisation familiale bien classique. Très éloignée du principe de la hiérarchie dont on nous parle constamment.
« La vision compétitive jusqu’alors mise en avant fait désormais place au principe d’organisation familiale. Les loups à l’état sauvage vivent et se déplacent en famille, constitués en couples parentaux accompagnés de leur progéniture. Les compétitions sont inexistantes ( ce sont les enfants qui mangent en premier) et les bagarres plutôt rares »
De plus il est important de préciser que cette étude avait été faite sur des loups arctiques dont la manière de vivre ne correspond pas forcément aux autres types de loups que l’on retrouve sur la planète. En effet, certains loups une fois adulte, vivent seuls et ne se retrouvent que pour se reproduire ou pour chasser.
L’autre problème de cette théorie réside probablement aussi dans le fait que le mot « dominance » a été tellement utilisé qu’il a fini par être galvaudé.
Alors revenons une instant sur le réel sens du mot afin de clarifier les choses.
La « dominance » est un comportement ponctuel éphémère et fluctuant selon la motivation de chaque individu par rapport à une ressource bien particulière.
Exemple 1 : Si vous mettez un chien A qui vient de bien manger avec un chien B affamé depuis 4 jours devant un bon gros morceau de steack, il est clair que le chien B va «prendre le dessus » sur le chien A pour accéder à cette denrée. Il va faire preuve de dominance tout simplement parce qu’il a faim et qu’il est donc plus motivé que A.
Exemple 2: Les mêmes chien A et B sont devant un tapis confortable et A fait comprendre à B que c’est lui qui ira s’y coucher. B se retrouve alors plus loin sur la petite carpette de la cuisine. Le chien A adore ce tapis et fait preuve de dominance face au chien B parce qu’il aime plus s’y coucher que B. Il est plus motivé que B.
Alors oui, il s’agit bien dans ces deux cas de dominance mais pesons bien nos mots en précisant qu’il s’agit là d’ un « comportement de dominance intra-spécifique circonstancielle » c’est à dire un comportement entre deux individus de la même espèce lié a une motivation dans des circonstances bien précises. Ce n’est pas toujours le même chien qui choisit tout ce qui se passe dans le groupe.
On profitera de cet article pour rappeler également que la dominance inter-spécifique n’existe pas (inter-spécifique= entre deux espèces différentes). En effet, on n’a jamais vu un moineau dominer un cerf. Même si ça pouvait être très amusant à observer, ce n’est tout simplement pas possible car les codes de langage sont différents. C’est pareil entre chiens et humains.
Alors la question est : pourquoi cette théorie de la dominance persiste t-elle?
He bien, simplement parce que cela nous renvoie à notre propre société. L’état, l’armée, la police, les entreprises et j’en passe. Nous sommes tous, à un moment ou un autre, confrontés à la hiérarchie.
Pour certains il est rassurant de penser que cela fonctionne de la même manière avec nos chiens car c’est un modèle connu et/ ou vécu. Pour d’autres c’est peut-être aussi un schéma qui inconsciemment (ou consciemment) fait du bien au moral : « au boulot je suis dominé par mon chef MAIS à la maison c’est moi le patron, c’est moi qui décide ! ».
Enfin, c’est un système binaire très facile à retenir : soit on est dominant, soit on est dominé et tous les problèmes liés au comportement du chien trouveraient leur explication dans le fait même que ce dernier n’a pas compris dans quelle case il se trouve ( mon chien grogne quand je lui demande de descendre du canapé, mon chien est agressif avec les autres, mon chien ne veut pas me rendre la balle quand on joue ensemble, etc).
J’ai même rencontré des gens qui tirait une certaine fierté à dire: « oui, mon chien domine tous les autres » comme si ça leur donnait à eux, humains, une forme de pouvoir…
Les chiens sont des êtres intelligents, essayons de ne pas les limiter à ce schéma trop basique. Elevons-nous pour mieux les comprendre afin de créer avec eux une vraie relation basée sur la confiance, le respect et la joie d’être ensemble.
Plutôt que de toujours frustrer ou punir le chien pour obtenir ce que l’on veut ( sous prétexte qu’il nous doit soumission vu que nous sommes les « chefs de meute ») essayons de trouver les techniques efficaces qui seront gagnantes pour le propriétaire mais aussi pour le chien.
La méthode d’éducation positive est un parfait exemple d’un « win-win » dans la relation homme-chien.
Cette technique basée sur le renforcement positif récompense les bons comportements et ignore les mauvais ( renforcement = augmentation de la fréquence et de l’intensité d’un comportement) en opposition avec des méthodes dites « traditionnelles » ou encore coercitives qui travaillent en punition positive, c’est à dire l’ajout de quelque chose de désagréable ( traction de laisse, collier électrique, forte réprimande verbale, punition physique).
Le renforcement positif, une bonne technique que l’on devrait mettre aussi en pratique dans nos vies professionnelles et privées vous ne trouvez pas? Au lieu de toujours finir par dire à l’autre ce qui ne va pas, ne serait-il pas plus sage de féliciter l’autre quand il fait quelque chose qui nous plait?
Offrons-nous le luxe de tester les méthodes positives et de voir les résultats. Que du bonheur en prévision!