Tom urine partout depuis trois mois, quand il est seul dans une pièce la nuit. Tom est un Malinois mâle de 18 mois.
Rex vole, casse et est tout le temps dans les pieds; il est nerveux, remue sans arrêt et il doit toujours ronger quelque chose. Il ne dort que 7 heures de nuit. Il répond à toute stimulation, même anodine. Il mange vite, plus rapidement encore si on s’approche de lui, et grogne. Il obéit seulement à la maison et aboie sans cesse au jardin. Les propriétaires sont « à bout ».
Samy est un boxer mâle de 2 ans. Il a mordu deux fois. Il est né par césarienne à la maison. Sa mère étant décédée, il a été nourri au biberon dès l’âge de 10 jours. Il a été socialisé au lapin et cobaye, mais n’est sorti en rue à l’âge de 6 mois. Il vit avec sa sœur Sarah. Il a mordu le propriétaire sur le lit après avoir été agressé par sa sœur. Elle saute régulièrement sur lui et alors il l’agresse. Il se réveille à 6 heures du matin et éveille tout le monde en fonçant dans les portes tête première.
Ces quelques exemples, extraits de la vie quotidienne, démontrent que la vie avec un chien n’est pas toujours de tout repos. Il y a quelques années, à l’époque de l’ animal-objet , on aurait décidé d’être quitte de l’objet, c’est à dire d’euthanasier l’animal ou de le confier à la S.P.A. Aujourd’hui, l’animal est souvent mieux considéré et a acquis auprès de la majorité le statut d’ animal-sujet . Il a le droit de vivre. Ses propriétaires ont des devoirs envers lui, mais ils ont aussi le droit au bonheur. La famille a le droit à l’harmonie. On va donc s’occuper du comportement du chien, ami de la famille, être d’attachement, jouant un rôle affectif des plus important. Mais qui va s’occuper du comportement de Tom, Rex, Samy, …?
On pensera aux vétérinaires, aux éducateurs, aux dresseurs, aux éleveurs, à des amis qui ont un chien, …
Qui donc possède les compétences requises pour aider les familles et leurs chiens?
Le débat est miné par des questions d’argent. Plus d’une personne se met à penser: « qui va empocher les revenus de ce « marché » fantastique qu’est la santé comportementale du chien? » Pour le chat, le débat ne se pose pas, il n’y a pas d’éducateur pour chat; les vétérinaires sont donc les seuls concernés. Mais pour le chien, les intervenants se pressent à la porte.
Qui possède une formation officielle?
Les vétérinaires sont formés dans la santé animale et ont un cours d’éthologie. De plus, les associations vétérinaires organisent des réunions d’information et de formation post-universitaire pour leurs membres, et le comportement est très largement représenté. Des congrès et conférences nationales et internationales leur sont accessibles. Cela correspond aisément à plus de 50 heures par an. Dans ces réunions, les vétérinaires reçoivent des cours d’éthologie, de pathologie comportementale, de psychopharmacologie (médicaments à effets comportementaux). Des dizaines de vétérinaires sont en formation. Ils sont les seuls légalement autorisés à traiter de pathologie animale (Loi du 28 août 1991)
et les seuls compétents pour différencier entre une pathologie somatique et comportementale (de nombreuses affections hormonales et infectieuses, par exemple, ont des répercussions sur le comportement). Cependant, il n’y a pas, à ce jour, de diplôme sanctionnant officiellement la reconnaissance de compétence. Mais les vétérinaires suivent 6 ans d’étude pour accéder à la profession et sont contrôlés par un organisme de déontologie (contrôle des droits et devoirs). La publicité leur est interdite.
Les éducateurs et dresseurs peuvent suivre des formations officieuses, dispensées par des organismes officiels, comme la Société (Cynologique) Royale St Hubert, ou par des particuliers. Il n’y a pas, à ce jour, de diplôme sanctionnant officiellement la reconnaissance de compétence. Il n’y a pas non plus de règles d’accès à la profession ni d’organisme de contrôle. Dès lors, les éducateurs les plus compétents côtoient d’autres incompétents. Et la publicité est libre.
Des intervenants s’intitulent psychologues pour chien, spécialistes en comportement, spécialistes en relation homme-chien, comportementalistes, thérapeutes, et proposent des séances de rééducation, de thérapie individuelle, pour tous problèmes comportementaux. Ces professions n’existent pas. Même si les personnes qui présentent ces appellations ont des
compétences réelles, les terminologies peuvent prêter à confusion. C’est aux « consommateurs » de ces services de demander aux intervenants de justifier leur appellation. Sont-ils psychologues, éthologues, sont-ils formés aux thérapies individuelles ou systémiques, …? Rappelons que légalement, la thérapeutique de l’animal et sa thérapie sont réservées aux seuls vétérinaires.
J’ouvre un débat sur un sujet sensible. Le public (c’est à dire vous, cher lecteur) a le droit d’être informé sur la qualité des intervenants, leur responsabilité dans leur engagement professionnel. Il y a de la place pour que tous les intervenants travaillent en bonne coopération, chacun à son niveau de compétence. Le but est d’obtenir une rééducation, un traitement et une guérison rapide des désordres comportementaux de l’animal.
Dr Joël Dehasse
Médecin vétérinaire comportementaliste