Dans Le Soir Illustré du 2 juillet, j’ai parlé de l’introduction d’un nouveau-né dans un foyer qui contient déjà un chien. J’aimerais donner de plus amples informations aujourd’hui sur les morsures dont peuvent être victimes les enfants.
Avant toute chose, il faut signaler que le risque de morsures par des chiens est inférieur au risque d’intoxication par des médicaments, de chute de la table à langer, etc. Etre aux alentours d’un chien n’est statistiquement pas un risque considérable. Mais des accidents, chaque année nous incitent à la plus grande prudence. La période des vacances augmente la fréquence de certains accidents parce qu’elle met en contact un plus grand nombre de chiens et d’enfants.
Les accidents sont causés par des bousculades, des griffades et des morsures. Des trois causes, la dernière est la plus dangereuse, bien entendu. Le risque augmente lorsque la différence de taille entre l’enfant et le chien s’accroît, au détriment de l’enfant. En d’autres termes, une morsure de grand chien est généralement plus redoutable que celle d’un petit chien. Ceci ne veut pas dire que les grands chiens sont plus agressifs, loin de là.
En cas d’agression d’un chien sur un enfant, on demande une expertise. A raison puisque tout le monde désire éviter un nouvel accident. Cette expertise ne peut être basée sur le seul symptôme de morsure, ou d’attaque, mais sur un examen complet du comportement de l’animal, du comportement de l’enfant, de leur mode de communication, de la relation qui les liait éventuellement, etc. (une heure d’entretien minimum).
Les différentes formes d’agression d’un chien à l’encontre d’un enfant.
Certaines agressions font partie des comportements normaux du chien.
L’agression compétitive est, comme son nom l’indique, liée à une compétition pour un objet, une ressource, une personne. C’est le cas d’une compétition pour un aliment, pour l’attention d’un parent, c’est aussi le cas de la défense d’un espace de couchage, d’un landau, de l’accès à une chambre. L’agression compétitive est accrue si le statut du chien est incertain, s’il est « dominant » comme on se plaît à dire. Le chien menace toujours avant de mordre, mais l’intelligence pratique d’un enfant en bas âge en demande de contact social n’est pas suffisante pour comprendre la menace et éviter la phase de morsure, généralement contrôlée.
L’agression par irritation est très commune. Elle est déclenchée par une frustration (la provocation par un aliment appétissant qui n’est pas donné, une perte de liberté, la mise en laisse ou à l’attache), la douleur (pincements, arrachement du poil, doigts dans les yeux – ou lorsque le chien souffre d’une pathologie douloureuse, comme une otite, un abcès, …), la contrainte (le maintien d’une caresse quand le chien s’est raidi, signalant une demande de rupture de contact – ou un brossage, un habillement du chien avec des vêtements d’enfants, des soins, …). C’est la forme d’agression la plus courante.
L’agression par peur est une agression très violente par un chien craintif, qui a manqué de socialisation avec les enfant dans son jeune âge, qui manque de relations régulières avec des enfants, et qui est incapable de fuir. Dans cette morsure forte, le chien ne contrôle jamais sa mâchoire.
Les hyperagressions sont liées à des maladies comportementales de l’animal. Elles sont constituées de morsures fortes, sans contrôle, sans inhibition par un acquis social antérieur ni par la juvénilité de l’adversaire. Elles sont toujours pathologiques.
Dans tous les cas, il faut traiter l’animal après avoir fait un diagnostic précis. Une étude de sa dangerosité est indispensable: elle prendra en compte l’âge de l’enfant, le type d’agression, la taille du chien, la présence de personnes aptes à gérer cette agression et à respecter et mettre en œuvre les traitements et thérapies.
Il y a beaucoup d’idées reçues quant au risque que le chat fait courir au bébé: risques d’étouffement quand il se couche sur lui, risques de morsures, de griffades. Ces risques sont mineurs. Il existe bien entendu des chats qui sont mal socialisés aux enfants, mais je n’ai jamais connu – ni lu dans la littérature – de cas de chat allant spontanément agresser un nouveau-né. Quant aux risques d’étouffement, ils ne pourraient exister qu’en présence d’un très gros chat et d’un très petit bébé. Une surveillance correcte devrait éviter tout risque d’accident.
Chaque année nous apporte quelques rares cas d’agressions mortelles liés à la présence d’une agression de prédation – ou de chasse.
Elle est, comme l’agression par peur, liée à une insuffisance de socialisation. Le chien ne reconnaît pas à l’enfant un statut humain mais bien celui d’une proie potentielle.
On reconnaît deux types de séquences:
- Le chien va tenter de sauter à pattes jointes sur l’enfant, le landau, … ou de mordiller ses mains, ses bras qui s’agitent hors de protection et à portée de gueule, comme il le ferait pour une proie de petite taille, dont il saisirait ensuite la nuque entre ses mâchoires pour la secouer et lui rompre les vertèbres.
- En groupe, les chiens peuvent également attaquer des humains aux gestes saccadés ou affaiblis – et les enfants sont des proies faciles pour des meutes de chiens errants.
Comme nous n’avons aucun traitement pour cette forme précise d’agression, son diagnostic oblige à la séparation totale de l’enfant et du chien.
Dr Joël Dehasse
Médecin vétérinaire comportementaliste