Il s’appelle James.
Sur son pedigree, il est écrit: « Labrador ». Originaire du Labrador, perfectionné au Royaume-Uni, le chien Labrador accompagne la noblesse. Il s’est distingué comme chien d’aide pour handicapés, pour malvoyants essentiellement. C’est donc un chien qui a une bonne réputation. Quand on acquiert un Labrador, c’est cette image de chien calme et plein autocontrôle que l’on recherche.
Mais James est un chien nerveux. Il bouge et aboie sans arrêt. Ses propriétaires sont fatigués. James n’est pas agressif; il est même très attachant. Ses demandes de jeux sont incessantes, il saute sur les gens, court après le chat, … Il ne se calme que quand … plus rien ne bouge.
James a 11 mois. Il souffre d’hypermotricité, ce que les éthologues vétérinaires ont appelé: syndrome HyperSensibilité-HyperActivité, ou HS-HA.
Toutes les races sont représentées. Parmi celles qui sont le plus souvent citées, on retrouve:
Labrador | 32 % |
Bergers Belges | 19 % |
Berger des Pyrénées | 15 % |
Fox terrier | 9 % |
Caniche nain | 4 % |
Pour déterminer une origine génétique éventuelle, des centaines de pedigrees ont été étudiés. Sans résultat. Cependant, certaines conditions d’élevage des chiots favorisent le développement de ce syndrome:
Séparation avec la mère à 4 ou 5 semaines | 85 % |
Séparation avec la mère entre 6 et 8 semaines | 10 % |
Elevage en chenil isolé | 53 % |
Elevage dans un bâtiment isolé de l’extérieur | 40 % |
Elevage en famille | 2 % |
On en sait aujourd’hui beaucoup plus sur l’apparition de ce syndrome. On a beaucoup parlé du développement du chiot et de l’enrichissement nécessaire pour qu’il ait une bonne socialisation et ne souffre pas ultérieurement d’anxiété ou de phobies. On a beaucoup moins parlé de l’intervention de la mère, de l’éleveur et de l’acquéreur dans l’apprentissage des autocontrôles.
Au cours d’un jeu de combat, les chiots s’infligent mutuellement des morsures avec leurs petites dents de lait acérées. Les cris du chiot mordu attirent la mère qui intervient, saisit le museau, l’oreille, la peau de la nuque du chiot dans sa gueule et le mord. Le chiot corrigé pousse un « kaï » et s’immobilise. La mère répète son intervention jusqu’à ce qu’elle soit satisfaite de l’inhibition du chiot, qui reste couché quelques dizaines de secondes sur le ventre ou le dos. Ensuite, le chiot se remet sur ses pattes, s’ébroue et retourne taquiner sa mère ou ses frères.
Cette technique éducative apprend au chiot à contrôler ses morsures et ses activités motrices générales.
L’éleveur et le propriétaire doivent reproduire cette technique éducative si la mère n’a pas pu le faire ou si le chiot n’a pas suffisamment d’autocontrôle à l’âge de l’acquisition.
Plusieurs tests permettent de déterminer si le chiot a acquis des autocontrôles corrects:
- Crier de douleur quand on est mordu. Un chiot normal inhibe sa morsure dès l’âge de 6 semaines
- Jeux de balle d’une durée de 15 minutes. Un chiot sain de 6 mois émet en moyenne 5 arrêts spontanées, un chiot HS-HA n’en émet qu’un.
Pour reconnaître ce syndrome, il faut mettre en évidence les signes suivants:
Absence de contrôle de la morsure chez un chiot de plus de 2 mois
Incapacité / difficultés à arrêter une activité. Le chiot est toujours prêt à jouer.
Le chiot réagit aux stimuli continuellement présents dans l’environnement (il ne s’habitue pas).
Diminution de la durée totale de sommeil, en général moins de 10 h (chiot) ou de 8 h (adulte) sur 24 h.
Un chiot HS-HA guérit rarement spontanément. Voici les évolutions spontanées les plus fréquentes:
à l’âge de: | 1 an | 2 ans | 3 ans |
Stabilité | 25% | 5% | 0% |
Anxiété avec inhibition | 12% | 32% | 34% |
Anxiété avec agression par peur | 57% | 40% | 25% |
Hyperagressivité | 0% | 23% | 35% |
Lorsque vétérinaires et psychiatres se réunissent pour discuter de leurs travaux, le syndrome HS-HA du chien est souvent comparé à l’hyperkinésie des enfants. Les similitudes sont frappantes. Le traitement fait appel obligatoirement à des médicaments qui activent la dopamine dans le cerveau. Le traitement est long, il dure en moyenne de 5 à 9 mois. Un traitement précoce amène 80% de guérison. Cependant, après la puberté, l’amélioration n’est que partielle et on n’obtient qu’un contrôle partiel du comportement moteur et des vols d’aliment.
Dans l’ensemble des techniques de rééducation, on insistera sur le contrôle moteur. Dans un jeu de lancer de balle, le jeu s’arrêtera immédiatement si le chien ne donne pas la balle, s’il produit des courses rapides qui n’ont rien à voir avec le jeu, s’il saute et mordille.
J’insiste très fort cette semaine sur cette pathologie parce qu’elle empoisonne les familles qui désirent acquérir un chien calme et se retrouvent rapidement avec un chien dévastateur et parfois délinquant. Ce n’est pas une fatalité.
Acquérir un chiot chez un bon éleveur où la chienne-mère ou un autre chien adulte est présent dans le milieu de vie des chiots (et pourquoi pas lui demander une garantie contre le syndrome HS-HA), sanctionner les morsures et motricités non contrôlées, sont déjà de bonnes mesures de prévention.
Dr Joël Dehasse