« Mon chien n’obéit pas. On m’a dit qu’il était dominant. On m’a montré comment le secouer par la peau du cou et le retourner par terre. Depuis, il me mord. Que faire? »
Confusion dans les esprits. Agression, dominance et méchanceté intentionnelle se mêlent dans les langages. On prend l’un pour l’autre et ce n’est pas innocent. Si le chien a une intention méchante, on se sent moralement en droit de lui infliger une punition. S’il est dominant, faut-il le soumettre? Mais s’il présente une séquence d’agression particulière, que faut-il faire?
Définition : l’agression est une menace ou une atteinte physique à l’intégrité ou la liberté d’un autre individu. L’agressivité est un état réactionnel caractérisé par une plus grande probabilité de déclenchement d’une agression.
Il y a différentes formes d’agressivité, que l’on reconnaîtra en étudiant les séquences des comportements d’agression, les circonstances (contextes) de leur apparition, et l’état psychologique et émotionnel du chien.
Différentes classifications ont été proposées. Je vous propose les quatre groupes suivants:
- agressions compétitives ou hiérarchiques
- agressions de défense, par irritation , par peur , territoriale et maternelle
- hyperagressions et agressions atypiques
- agression de chasse ou prédation
Ces différentes formes sont résumées dans deux tableaux
- un tableau des contextes et circonstances d’agression
Seule l’agression compétitive et les menaces d’autodéfense subissent les lois de l’apprentissage. Suivant ses conséquences positives ou négatives pour le chien, l’acte d’agression sera récompensé ou puni. Si le propriétaire prend peur face au chien menaçant, l’agression s’intensifiera la fois suivante. On évolue dès lors de l’agression contrôlée à l’hyperagression.
Toutes les autres agressions sont dangereuses d’emblée.
Si un chien en cours d’éducation refuse un ordre par crainte (syndrome anxieux) de l’éducateur, ou par surexcitation ou impulsivité (syndrome hypersensibilité-hyperactivité), les punitions ne feront qu’aggraver le problème d’obéissance. Un chien en souffrance a des capacités d’apprentissage limitées et doit d’abord être stabilisé avant de reprendre une éducation normale. Cette stabilisation se fera à l’aide de thérapies comportementales individualisées et de médications appropriées.
Agression | Contexte, circonstances |
Compétitive | remise en cause ou tentative d’acquisition des prérogatives hiérarchiques: contrôle de l’espace, lieu de couchage (lit, fauteuil, coin du tapis, …), partenaire social ou sexuel (flirt), etc. |
Irritation (par) | lors de frustration, faim (défense d’un aliment), douleur, stimulations tactiles répétées malgré la menace du chien (sa demande d’arrêter l’interaction) |
Maternelle | défense par une chienne allaitante de sa progéniture menacée (ou d’un substitut lors de « grossesse nerveuse ». |
Peur (par) | lorsque le chien est placé dans une situation qu’il juge dangereuse et dont il ne peut s’échapper (physiquement ou mentalement) |
Prédation (chasse) | visant à assurer la capture, la mise à mort et parfois l’ingestion d’une proie |
Territoriale | pour empêcher une intrusion dans une partie de territoire du groupe |
- un tableau des séquences d’agression.
Agression | Différents éléments en séquence | morsures |
Compétitive | intimidation – attaque contrôlée – apaisement | contrôlées |
Irritation (par) | intimidation – attaque contrôlée – apaisement | contrôlées |
Peur (par) | intimidation limitée – attaque quasi directe | fortes, répétées |
Prédation | séquences typiques de chasse | fortes |
Hyperagression | attaque directe ou quasi directe | fortes |
Atypique | imprévisibilité – attaque puis grognement | fortes |
Une morsure contrôlée est une mise en gueule, un pincement, sans serrer, et ne laissant que peut de marques, parfois quelques « bleus ».
Une morsure forte perce la peau et nécessite des soins.
Une menace est déjà une agression.
Je propose de diagnostiquer et traiter les agressions le plus rapidement possible. Si l’on attend la première morsure forte, il est souvent bien tard pour traiter, parce que le propriétaire a perdu confiance.
Tous les chiens agressifs pourraient être soignés, si l’on disposait d’instituts « psychiatriques » adaptés. Mais c’est un rêve qui ne verra pas le jour de si tôt. Dès lors, un chien ne sera traité que si son environnement (physique et social) permet de gérer sa dangerosité.
Les médicaments sédatifs (camisole chimique) sont utilisés exceptionnellement. On leur préfère des médicaments régulateurs qui permettent l’apprentissage.
Les thérapies telles qu’un réajustement de la hiérarchie, une modification des modes de communication, des désensibilisations, etc. devront être proposées en fonction de chaque situation.
Dr Joël Dehasse
Médecin vétérinaire comportementaliste