Le changement d’heure
La nuit du 29 octobre a été marqués dans de nombreux pays par un changement d’heure. Nous avons pu dormir une heure de plus. Cela aurait pu être vrai à l’exception des propriétaires du million et demi de chiens et du million et demi de chats en Belgique, soit une famille sur deux. Je dirais que ce fut aussi la même épreuve pour tous les parents d’enfants en bas âge. Somme toute, en Belgique, quasiment personne n’a pu dormir une heure de plus. Pourquoi?
L’horloge biologique ne se règle pas aussi aisément qu’une horloge mécanique ou électronique. Cette horloge est située dans le cerveau et est commandée par des facteurs chimiques, comme la fameuse mélatonine, un dérivé de la sérotonine, et par des facteurs extérieurs, comme l’alternance de jour et de nuit. En somme personne n’a une horloge biologique cyclée sur 24 heures. Cette horloge a plutôt 23 heures pour les uns, 25 heures pour les autres. C’est le cycle circadien, cette rythmicité de lumière et d’obscurité commandée par le soleil, qui met notre horloge – et celle de nos animaux de compagnie – à l’heure. Cette horloge biologique va commander de nombreuses hormones, va favoriser l’éveil, la vigilance, l’endormissement et le sommeil.
Et si l’horloge, la montre et le réveil matin, changent d’heure, notre horloge biologique reste à l’heure d’hier. A l’exception des grands dormeurs, des anxieux et des dépressifs confinés à leur couchette, les chiens, les chats, et autres compagnons à pattes où à plumes, se sont éveillés une heure plus tôt. Le lendemain, ils se sont endormis une heure plus tôt, et il a fallu les maintenir éveillés. Tout le monde a eu faim une heure plus tôt et quel chien a pu comprendre que la gamelle ne viendrait qu’avec retard, parce que les maîtres revenaient avec retard. Les chiens hyperattachés à leurs propriétaires, anxieux en leur absence, mais régulés par un cycle de départs et de retours routiniers ont vu leur angoisse s’accroître lors de la perte des routines apaisantes.
Que s’est il passé dans la tête de nos compagnons animaux? Se sont-ils dit que le monde était brusquement devenu fou et s’était décalé d’une période de temps? Cela a du être incompréhensible.
Jour après jour, l’horloge biologique s’est décalée afin de se mettre en relation avec l’heure artificielle. Toutes les routines sont revenues en place; tous les mécanismes biochimiques et hormonaux se sont adaptés à la nouvelle heure. Certains animaux, bouleversés, incapables de s’équilibrer, on développé des troubles anxieux ou dépressifs qui vont se maintenir des semaines ou des mois. Parions qu’il en est de même pour certains propriétaires.
Routines
L’animal vit dans un monde routinier. Qu’il soit chien ou chat, il vivait il y a des milliers d’années dans un écosystème en changement perpétuel où seule était quasi constante l’alternance des jours et des nuits dans un rythme parfait et inaltérable de 24 heures. Mais les repas, le sommeil, les chasses variaient jour après jour, nuit après nuit. Le repas ne venait jamais à la même heure. L’animal sauvage était adaptable; sa survie en dépendait. Il n’avait cependant pas le temps de penser et s’amuser. L’animal de compagnie vit désormais dans un univers routinier. Ces routines sont apaisantes, lui donnent le temps de jouer ou de méditer. Cependant la moindre variation de ces routines est angoissante.
Rituels
Les rituels sont différents des routines. En effet il s’agit de moyens de communication que l’animal improvise puis fixe dans la relation avec ses semblables ou avec d’autres espèces. Si le chien donne la patte pour avoir un biscuit, ou tourne sur lui-même pour avoir de l’attention, et que le propriétaire obéit, ce comportement se ritualise. Ces rituels, quels qu’ils soient, permettent à la communication d’être moins ambiguë, plus claire. C’est la même chose entre humain: le ton de la voix, les gestes d’apaisement comme poser sa main sur le bras, le regard sont des modes de communication ritualisés entre individus précis. Ils n’ont pas la même valeur d’apaisement entre deux individus qui ne se connaissent pas ou dans des cultures différentes. Ces rituels, apaisants dans un groupe social, sont angoissants dans un autre groupe social.
Quand l’animal quitte son groupe, il perd toute la valeur apaisante de ses rituels et développe une anxiété temporaire, le temps de reconstruire ses rituels apaisants.
Les vétérinaires comportementalistes peuvent aider ces animaux qui ont perdu leurs routines ou leurs rituels par des traitements médicamenteux et des thérapies de restructuration. Nous avons à cœur le bien-être des animaux et de leur nouvel écosystème: la famille.
Dr Joël Dehasse
Médecin vétérinaire comportementaliste