Pipette s’est jetée par la fenêtre. C’est effroyable. Heureusement, la fenêtre était ouverte et l’appartement est au premier étage. Pipette, un setter roux, a affreusement peur de l’orage, ainsi que des coups de feu et des feux d’artifice. Et l’orage de ce mois de juin était très violent: le ciel était zébré d’éclairs et le tonnerre éclatait en grondements sourds. Pipette se terre d’habitude dans la salle de bain, dans la baignoire. Mais l’accès aujourd’hui était impossible. Alors elle a fui devant elle, sans réfléchir, et elle s’est échappée par la fenêtre, pour disparaître. Pipette sera retrouvée quelques jours plus tard, grâce à son numéro de tatouage.
Comment l’animal prend-il peur?
Le processus de base est appelé « sensibilisation ».
C’est le contraire de l’habituation. Un chien mis régulièrement en présence d’un bruit, d’une personne, d’un stimulus quelconque, s’habitue; il réagit de moins en moins. C’est le cas lorsqu’il habite à proximité d’un métro (tremblements du sol), d’un aéroport, d’un marché, …
La sensibilisation est le processus qui fait réagit l’animal de plus en plus violemment à un stimulus identique. Dans le cerveau, l’animal produit de plus en plus d’adrénaline. Son cœur s’accélère, la respiration également; il tremble.
Bientôt, l’individu réagit non seulement au stimulus déclencheur (le bruit du tonnerre, par exemple), mais aussi aux stimuli qui le précèdent ou l’accompagnent (l’assombrissement du ciel, la pluie). C’est de l’anticipation.
Les chiots et les chatons qui ont vécu les trois premiers mois de leur vie dans un milieu peu stimulant (dans un appartement, dans un élevage – sans sortir en milieu extérieur, en rue, dans des gares, sur des marchés, …) ont un risque bien plus grand de développer une sensibilisation et de devenir phobiques.
Les différentes phobies et leur évolution.
Il y a les phobies simples (stade 1) et les phobies complexes (stade 2).
Quand l’animal n’a peur que d’un seul genre de stimulus (soit les coups de feu et l’orage – soit les gens et particulièrement les enfants – soit les chiens noirs – …), il souffre de phobie simple.
Quand l’animal réagit aux stimuli d’accompagnement (l’orage, le vent, la pluie, l’assombrissement du ciel – les voitures, les motos, les vélos, l’ensemble des bruits urbains – l’ensemble des gens ou des chiens sauf ceux de son environnement quotidien – etc.),il souffre d’une phobie complexe.
En général, à ce tableau s’ajoute une atteinte du système digestif: vomissements, diarrhées, salivations par périodes.
Les phobies guérissent spontanément dans 10% des cas. En général, elles s’aggravent avec le temps, passant du stade 1 au stade 2 ou à l’anxiété. Les manifestations agressives s’aggravent elles aussi et deviennent violentes et imprévisibles.
Comment réagit un animal peureux?
L’animal a trois stratégies.
Dans l’inhibition, il fait le mort. Son immobilité n’est gênante que lorsque l’animal se couche en rue, par peur des voitures, des motos, des passants, …
Une autre méthode est l’évitement ou la fuite. L’animal refuse d’approcher le sac poubelle le soir, ou de venir au contact des enfants inconnus ou, comme Pipette, s’échappe par la fenêtre et court comme une folle dans les rues.
La dernière méthode est l’agression par peur. Généralement, l’animal s’éloigne au contact de l’individu qu’il craint; une fois toute fuite impossible (chien acculé, ou en laisse), il mord si l’individu s’approche davantage. C’est la majorité des agressions que l’on rencontre sur des enfants.
Parfois, le chien estime que « prévenir » serait plus efficace et il produit des aboiements de menace envers les gens ou les chiens qu’il se voit forcer de côtoyer. Plus efficace encore est de se jeter sur eux pour les mordre; la victoire est alors fréquente.
Manifestations des chiens souffrant de phobie simple
Manifestation clinique | Pourcentage |
Halètements | 3 |
Tremblements | 6 |
Fuite | 81 |
Se cacher | 69 |
Explorer | 90 |
Menacer, agresser | 41 |
Les différents stimuli dont l’animal a peur.
Sur cent chiens présentant une phobie, on répertorie les stimuli suivants.
Stimulus | Pourcentage |
détonations | 82 |
orages | 47 |
voitures, motos, etc. | 27 |
homme | 19 |
lumières vives | 15 |
pluie | 13 |
sonneries, téléphone | 12 |
vélos | 6 |
vent | 5 |
oiseaux | 2 |
Les phobies se traitent-elles?
Oui, les phobies se traitent. Inutile de laisser souffrir les animaux et leur environnement familier.
Les phobies sont des pathologies. Il s’agit donc d’une matière vétérinaire complexe qui nécessite un certain niveau d’expertise.
Plusieurs techniques se conjuguent pour l’obtention du résultat: des médicaments et des techniques de désensibilisation.
L’animal phobique présente une modification du fonctionnement chimique de son cerveau. Certains médicaments vont l’aider à se réguler et vont faciliter les thérapies. Ils seront prescrits par un vétérinaire instruit en matières comportementales.
La thérapie de base est la désensibilisation . L’animal est exposé au stimulus à doses croissantes, en présence d’un environnement agréable et distrayant. Par exemple, pour la phobie des coups de feu, on exposera l’animal à des enregistrements (CD) de coups de feu, à volume faible puis croissant, d’une séance à l’autre. La progression sera lente. Une progression trop rapide pourrait avoir des effets contraires.
Une thérapie « sur mesure » sera proposée pour chaque type de phobie par un vétérinaire expert. Elle peut être réalisée par les propriétaires, avec l’aide éventuelle d’éducateurs canins compétents.
Dr Joël Dehasse
Médecin vétérinaire comportementaliste