« Mon chien est vieux et stupide », me disait ce propriétaire.
« Mon chien est vieux et malpropre », racontait un autre maître.
Un chien âgé devient maladroit, traîne les pattes, dort beaucoup plus, promène moins, oublie qu’il a mangé et réclame une seconde pâtée, contrôle mal sa vessie, voire son intestin, … Il est vieux, dit-on. Il souffre d’arthrose (il a bien des difficultés à se lever et marcher), d’insuffisance rénale (le rein n’arrive plus à concentrer les urines, donc le chien urine plus et boit plus), d’insuffisance cardiaque (l’effort devient pénible pour son vieux cœur qui s’épuise), etc.
Le chien âgé devient malpropre, il élimine quand le besoin d’éliminer se fait sentir sans toujours prendre le temps de demander à sortir et de se diriger vers ses toilettes. Il explore l’environnement comme un chiot, léchant les objets et éventuellement les mettant en gueule et les ingérant. Il obéit moins bien aux ordres, il faut répéter ces ordres plusieurs fois, il n’a pas l’air de bien entendre ou il vous regarde les yeux dans le vide.
Le chien âgé, après quelques disputes perdues, n’a pas pu maintenir son rang hiérarchique et il s’isole des autres chiens, voire de ses maîtres. Parfois, il devient collant, suivant ses propriétaires partout dans la maison; mais comme l’accès aux étages et aux caves lui devient pénible, il attend en gémissant. S’il est seul dans la maison, il aboie et recherche l’odeur des maîtres, léchant et mâchonnant des objets sur son passage.
Parfois il tourne en rond avant de se coucher, comme s’il ne trouvait pas sa place. Il gratte le sol, encore et encore. Enfin le voilà qui s’affale comme une masse. Rapidement, il s’endort et est secoué de soubresauts; il rêve. Ses rêves n’ont pas l’air plaisants: il gémit, bouge, ouvre les yeux, se réveille. En pleine nuit, le voilà qui déambule dans la maison en gémissant et en traînant les pattes.
On dit qu’il est « vieux » et on prend son malheur en patience; il nous a donné beaucoup pendant sa jeunesse, alors on attend l’issue finale. Mais ce n’est pas agréable.
Les signes comportementaux que j’ai décris ne sont pas que des signes de vieillesse irrévocable; ce sont des signes de dépression, une dépression particulière avec régression infantile. Et le propriétaire n’est pas obligé de souffrir des souffrances de son chien, parce que cela se soigne assez bien.
Un vétérinaire instruit en comportement animal peut vous aider et faire le diagnostic et vous proposer des traitements pour des objectifs précis:
- améliorer le travail des cellules nerveuses;
- réduire les signes de dépression à l’aide d’un antidépresseur approprié;
- réduire les signes anxieux à l’aide d’un antidépresseur ou d’un anxiolytique spécifique;
- proposer une thérapie à base de jeu, de travail par encouragement et récompenses et une reprise des contacts sociaux.
L’évolution est lente, le pronostic est bon, le seul facteur de résistance est le manque de patience des propriétaires qui ont attendu trop longtemps pour la prise en charge de cette maladie et sont exténués par les souillures, les plaintes et autres gênes majeures.
Chiens à la retraite
Les chiens de travail ou de sport mis à la retraite ont plus tendance à développer de la dépression que ceux qui continuent à travailler:
Sains | Déprimés | ||
Chiens de chasse | maintien de l’activité | 89 | 11 |
arrêt de l’activité | 44 | 56 | |
Chiens militaires | maintien de l’activité | 90 | 10 |
arrêt de l’activité | 57 | 43 |
Ces chiffres (repris et adaptés de P. Pageat, 1994) sont éloquents. La retraite, pour un chien, n’est pas une période de bon temps. Au lieu de profiter de ses dernières années, le chien se dégrade inexorablement et son vieillissement apparent s’accroît. Il souffre de dépression. Un traitement antidépresseur et une reprise de travail sous forme agréable, plaisante, ludique, lui permettra alors de vivre des jours heureux.
Prescrire un antidépresseur
Il n’y a pas, à ce jour, d’antidépresseur sur le marché du médicament vétérinaire. Des firmes pharmaceutiques sortiront sous peu certaines molécules. En attendant, le vétérinaire a recourt à la prescription de médicaments à usage humain. De nombreuses études scientifiques ont démontré l’efficacité et la bonne tolérance de nombreuses préparations médicamenteuses. Cependant, les dosages peuvent être très différents de ceux de l’on propose en médecine humaine. Les pharmaciens doivent réaliser leur travail de contrôle et de délivrance des prescriptions sans avoir eu de formation appropriée de ces grandes différences de dosage. Alors en cas de doute, avant d’annoncer un risque pour la santé de l’animal, communiquez avec – et faites communiquer votre vétérinaire et votre pharmacien.
Dr Joël Dehasse